Le fleuve Niger, artère vitale traversant plusieurs régions du Mali, constitue une source essentielle de revenus pour de nombreux maraîchers, pêcheurs, éleveurs et agriculteurs. Toutefois, cette ressource précieuse est aujourd’hui gravement menacée par une pollution croissante.
Une source de vie fragilisée
Dans le marché de Yirimadio, une abondance de légumes – laitue, tomate, chou, betterave, carotte, aubergine – est proposée à des prix accessibles, pour le plus grand bonheur des consommateurs. Une partie de ces produits provient du jardin de Bourama Traoré, maraîcher à Bozo Daga, dans le quartier Sans-Fil de Bamako.
Après avoir obtenu un diplôme en travaux et bâtiment, Bourama a choisi de suivre la voie de son père en se consacrant à l’agriculture. « Nous sommes nés et avons grandi dans cette activité. Même durant les congés, nous aidions notre père. Une fois mon diplôme obtenu, j’ai préféré rester dans les champs », explique-t-il, fier de son choix.
Depuis plus de dix ans, il exploite un jardin maraîcher d’un demi-hectare en bordure du fleuve Niger, une activité qui constitue la principale source de revenus pour lui et sa famille. Malheureusement, comme de nombreux riverains, il est témoin impuissant de la dégradation alarmante du fleuve.
Un fleuve à l’agonie
Lors d’un débat diffusé sur la chaîne nationale le 9 février 2025, Abdourahamane Oumarou Touré, directeur général de l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (ABFN), a tiré la sonnette d’alarme. Long de 4 200 km, dont 1 700 km au Mali, le fleuve est en situation critique.
« Le Niger est menacé par les effets du changement climatique, mais surtout par les activités humaines qui l’agressent de manière continue », a-t-il déclaré.
Parmi les principales causes de pollution, on retrouve les rejets industriels, hôteliers, artisanaux, hospitaliers ainsi que l’exploitation aurifère illégale, considérée comme l’une des menaces les plus graves pour l’écosystème fluvial. « Nous avons recensé 1 200 dragues artisanales entre la frontière guinéenne et Bamako, 78 au niveau de Baoulé, 400 à Sankarani et plusieurs dizaines à Kangaba. En plus des dragues, les cracheurs de polluants aggravent la situation », a-t-il ajouté.
Malgré des opérations de saisie et de destruction de ces engins polluants, le manque de moyens limite l’efficacité des interventions.
Des menaces multiples
Outre le dragage, le fleuve subit une pollution massive due aux déchets solides et liquides. La majorité de ces déchets sont déversés directement dans l’eau sans prétraitement. « Dans le grand Bamako, nous avons identifié 94 collecteurs de déchets, dont 58 déversent des polluants dangereux directement dans le fleuve », a précisé M. Touré.
Sékou Diarra, directeur national de l’hydraulique, alerte sur les conséquences de cette pollution, qui impacte non seulement la faune et la flore aquatiques, mais également l’approvisionnement en eau potable, augmentant ainsi les coûts et les délais de traitement.
Quelles solutions ?
Face à l’interdiction inefficace des activités de dragage, les experts estiment que la sensibilisation seule ne suffit plus. Ils prônent des mesures fermes et immédiates.
Un consensus s’est dégagé entre les experts du secteur et la Fédération nationale des coopératives des orpailleurs du Mali pour une synergie d’action afin de lutter efficacement contre le dragage illégal.
Il a été proposé la création d’une équipe multidisciplinaire et intersectorielle pour mener une opération intensive de trois mois visant à éradiquer les activités illégales sur tout le long du fleuve. Un dispositif permanent de surveillance et de prévention devrait ensuite être mis en place.
Concernant la qualité de l’eau potable, la direction de l’hydraulique rassure que des dispositifs de suivi sont déployés sur l’ensemble du territoire pour garantir la salubrité de l’eau distribuée aux populations.
Un engagement collectif est indispensable pour sauvegarder le fleuve Niger, garant de la subsistance de milliers de Maliens. L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action concrète et coordonnée.