Chaque année, plus de 200 personnes meurent au Mali à cause d’intoxications liées à des produits chimiques, tandis que plusieurs milliers souffrent de maladies associées à ces substances. Ces chiffres proviennent du Ministère de l’Environnement et de l’Assainissement du Mali. En 2019, au niveau mondial, 53 millions de personnes ont été touchées par des maladies graves liées aux produits chimiques, telles que des affections cardiovasculaires, des maladies pulmonaires, des cancers et des malformations, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Parmi elles, 2 millions sont décédées.
Pour réduire ces décès évitables, les autorités maliennes, en collaboration avec l’OMS et le Fonds pour l’Environnement Mondial, ont lancé le projet ChemObs. Ce projet, intitulé « Observatoires intégrés santé-environnement et renforcement du cadre juridique et institutionnel pour une gestion saine des produits chimiques en Afrique », s’inscrit dans le cadre de la Déclaration de Libreville sur la santé et l’environnement de 2008. Il a permis de créer un comité technique multisectoriel pour la gestion des produits chimiques, en alliance avec les ministères de la Santé et de l’Environnement.
Moussa Cissoko, Directeur national de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances, explique que l’utilisation artisanale des produits chimiques est courante, souvent sans protection adéquate ni connaissance des risques. Les travailleurs, en particulier les femmes dans des secteurs tels que la vente de produits chimiques, la teinturerie, la saponification et les travaux champêtres ou domestiques, sont particulièrement exposés. Les produits les plus nocifs comprennent les pesticides, médicaments, combustibles, mercure, cyanure, ainsi que les détergents, désinfectants, peintures et huiles de vidange.
En 2023, le projet ChemObs a organisé quatre séances de sensibilisation communautaire touchant plus de 200 personnes, dont 50 % de femmes, qui sont particulièrement vulnérables aux dangers des produits chimiques. Le Dr Kalifa Keita, Directeur général adjoint de la santé publique (DGHSP), souligne que la sensibilisation des femmes est cruciale, car elles sont non seulement plus exposées par leur travail, mais aussi à risque pour la santé de leurs enfants en raison des impacts sur la grossesse et l’allaitement. De plus, elles jouent un rôle clé dans l’éducation des enfants et peuvent diffuser les messages sur l’usage domestique des produits chimiques au sein de leur famille.
Des formations ont également été organisées pour couvrir des sujets essentiels tels que le choix des produits chimiques dans des magasins agréés, leur utilisation, leur stockage sécurisé, ainsi que la gestion des eaux usées, des contenants vides et des déchets. Les participants ont appris des mesures de protection individuelle et collective, ainsi que des gestes de premiers secours en cas de contact, d’inhalation ou d’ingestion de produits chimiques.
Camara Mamadou, formateur, explique qu’il est important de mener les activités dans des lieux de travail sécurisés, loin des enfants et des familles, et de creuser des puisards pour les déchets. « En adoptant de meilleures pratiques environnementales et sanitaires, chacun se protège et protège les autres. Cette formation sauve des vies, humaines comme animales, tout en respectant l’environnement. »
Lalaîcha témoigne : « Le projet m’a vraiment ouvert les yeux sur les risques que nous courons. J’ai formé mes employées, acheté des équipements de protection pour toute l’équipe, et nous ressentons déjà moins de malaises qu’auparavant. J’ai aussi contacté le service d’assainissement pour la gestion des eaux usées. Tout a vraiment changé pour le mieux. »
Parallèlement, l’OMS a formé 45 professionnels chargés du contrôle des produits chimiques sur les risques sanitaires associés. Cette formation a permis de créer un premier site sécurisé pour le stockage des déchets d’appareils électriques, électroniques et électroménagers, visant à réduire l’exposition aux substances nocives telles que les PFOS et PBDE, qui peuvent causer divers problèmes de santé, notamment des troubles immunitaires, reproductifs, des cancers, ainsi que des effets neurotoxiques et hormonaux, surtout chez les enfants.
Le Dr Christian Itama, Chargé du bureau de l’OMS au Mali, déclare : « Ce projet a jeté des bases solides pour améliorer la santé publique au Mali et devrait être étendu à toutes les régions du pays. Nous espérons qu’il servira de modèle pour d’autres pays de la Région africaine. »
Lalaîcha conclut : « Bien que les produits chimiques soient nécessaires dans nos activités, ils peuvent être très nocifs. Nous ne devons pas sacrifier notre santé et notre environnement. Il est préférable de se protéger. »