En 2024, la société Leo-Lithium débutera la production du Lithium au Mali, à Galamina, dans la région de Bougouni. Une première expérience pour le pays. Des inquiétudes sur les impacts négatifs sur l’environnement inquiètent les experts.
Les 15 mines d’or industrielles en activité ont contribué à plus de 70 % des exportations du pays en 2022. Le secteur minier apporte 20,73 % des recettes de l’Etat et contribue à 9,74 % du Produit intérieur brut (PIB), selon les données de la Direction nationale de la géologie et des mines (DNGM). La contribution du secteur à la création d’emplois serait de 0,8 %. Le secteur minier occupe une place importante dans l’économie malienne, selon ces statistiques. Un secteur qui reste dominé par l’or.
C’est ainsi que depuis 2004, le Mali a adopté une politique de diversification des ressources minérales, selon le Pr Dialla Konaté, ingénieur minéral, Directeur des ressources minérales du Mali Minérales Ressources. Dans ce processus de diversification, le pays possède aujourd’hui deux projets de Lithium bien avancés. Celui de Galamina (Firefinch Ltd) en construction devrait commencer sa production au cours du premier semestre de 2024 et celui de Bougouni (Minéraux Kodal) dans le village de N’ganala qui est en phase d’exploration très avancée.
Le permis d’exploitation du lithium de Galamina s’étend sur une superficie de 100 km², et la durée de l’exploitation est de 21 ans. Selon le Pr Dialla Konaté, la société va transporter le produit semi-fini, le concentré de spodumène, par la route jusqu’aux ports d’Abidjan et de Dakar.

Forme rocheuse du lithium / Ph : DR
Le lithium, un minerai de transition avec beaucoup d’enjeux
Le lithium est un minerai qui peut provenir de deux sources essentielles, les marais salants et la forme en roche qui se trouve globalement dans les pegmatites. « Cette forme en roche est la deuxième forme de lithium qu’on rencontre dans la nature et qu’on peut exploiter par les méthodes d’exploitation minières habituelles en fonction de la nature du produit fini ou du produit marchand qu’on veut vendre aux acheteurs en avale », nous explique le Pr Dialla Konaté.
Le lithium, minerai stratégique, qualifié de minerai propre, est vital pour la production d’énergies propres. Il permet d’assurer la transition énergétique. En effet, face à la tendance mondiale de lutter contre les changements climatiques, on observe une ruée vers les minerais de transition comme le lithium. L’objectif est d’abandonner les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, etc.), plus polluantes, pour se tourner vers les énergies propres.
Cette situation fait accroître la demande mondiale de cette ressource. Un certain nombre de pays africains, dont le Mali, en regorgent. Le Mali dispose d’une importante réserve de lithium. Le projet de Galamina “est l’un des plus grands gisements de lithium en roche dure non exploités au monde”, selon la société Leo Lithium (plus de détails sur le projet Goulamina – Leo Lithium Limited). L’importance des ressources, 211 Millions de tonnes, fait de Goulamina le quatrième plus grand gisement de spodumène au monde. Son exploitation fera du Mali, le 1ᵉʳ producteur ouest-africain de lithium.

Entrée de la ville de Galamina / Ph : DR
Des garde-fous juridiques
Cependant, l’exploitation de lithium est un nouvel exercice auquel le Mali ne s’est jamais prêté par le passé, selon Cheick G. Fanta Mady Keïta, directeur national de la géologie et des mines du Mali (DNGM). Des inquiétudes subsistent parce que le Mali ne justifie d’aucune expérience antérieure d’exploitation d’un tel type de minerais.
« A ce jour, ni les communautés maliennes, ni l’administration, ni la société civile ne peuvent se targuer d’expérience avérée pour préméditer les retombées économiques et les impacts environnementaux nocifs potentiels de l’exploitation de ce minerai », déclare-t-il. Mais, même si des doutes existent sur l’impact de cette exploitation, le cadre légal malien met des garde-fous.
L’exploitation du lithium de Galamina est assurée par une coentreprise composée du chinois Ganfeng Lithium, de l’australien Leo Lithium et de l’Etat malien. Le permis environnemental et le permis d’exploitation ont été attribués en 2019 (PowerPoint de presentation) sur la base du Code minier de 2012, le Code en vigueur au moment de l’octroi du permis.
Ledit Code énonce la protection de l’environnement et du patrimoine culturel en son article 142 : « Tout titulaire de titre minier ou d’autorisation d’ouverture et d’exploitation de carrière est tenu de respecter les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement en vigueur au Mali ». Quelles sont ces dispositions ?
Le DNGM informe que le Code minier malien de 2012 exige une ÉtudeÉtude d’Impact Environnemental et Social (EIES) et un permis environnemental dans la composition du dossier de demande de tout permis d’exploitation. C’est la direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances (DNACPN) qui a délivré le permis environnemental en mars 2016 sur la base de l’étude d’impact environnemental et social élaboré en 2018.
Pour Balla SISSOKO, chef de la division évaluation environnementale et sociale à la DNACPN, la réalisation de l’EIES se déroule en trois étapes dont l’approbation des termes de référence (un travail de terrain), la consultation publique des communautés et la validation du rapport par le comité technique d’EIES. Le rapport d’EIES identifie les effets négatifs du projet d’exploitation et préconise des mesures pour minimiser ou compenser.
Une autre disposition du Code minier en matière de protection de l’environnement est l’obligation pour la société minière de réactualisation périodique de son EIES. Le même Code crée le fonds de la réhabilitation des sites après la fermeture. Ce fonds est logé dans une banque de la place et alimenté par la société en fonction des montants déterminés dans l’EIES. Cet argent est destiné à réhabiliter le site à la fermeture de la mine.
La société civile reste sceptique
Malgré l’existence de ces garanties juridiques, des experts de la société civile restent sceptiques. C’est le cas de Nouhoum DIAKITE, Coordinateur de la coalition malienne Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP-Mali), une organisation de la société civile qui œuvre pour la bonne gouvernance dans les industries extractives.
Pour Nouhoum DIAKITE, l’exploitation de ce minerai de transition énergétique, grâce à sa spécificité, est très importante, car il va produire l’énergie moins polluante. « Mais la forme d’exploitation qui sera exercée au Mali va nécessiter l’utilisation de beaucoup d’eau. PCQVP-Mali est soucieux par rapport à la protection de l’environnement lors de cette exposition », s’inquiète M. DIAKITE.

Consultation publique avec les communautés de Galamina / Ph : DR
Une inquiétude confirmée par les propos de Balla SISSOKO de la DNACPN qui explique que « l’exploitation d’une tonne de lithium, demande à peu près 2 000 litres d’eau ». Cette exploitation aura donc des effets sur la faune, la flore, mais aussi sur l’approvisionnement de la population locale en eau potable, car la forte demande de la société minière va assécher les nappes phréatiques.
Pour Nouhoum DIAKITE, PCQVP Mali qui a recensé environ 13 villages qui seront impactés par l’exploitation, « l’utilisation des explosifs par la société pour l’exploitation pourra créer des problèmes sonores, même si des sirènes vont avertir la population avant les explosions ». Malgré ces inquiétudes, le chef de la division évaluation environnementale et sociale à la DNACPN rassure. Pour lui, la société Leo-lithium a respecté toutes les procédures de l’EIES. Pour le suivi, il estime que les agents publics doivent jouer leur rôle de police du secteur minier.
L’étude d’impact environnemental et social a été présentée par les experts de la société Léo-Lithium aux villages environnants au cours des sessions d’informations. Ces sessions ont porté sur les conséquences environnementales possibles de l’exploitation, la gestion de l’eau, les possibilités de contamination de l’eau à partir d’une certaine distance, etc. selon des habitants joints au téléphone.
Famoussadjè Samaké, habitant à Galamina, confirme la tenue de ces sessions : « Leo-lithium nous a informés de l’exploitation du lithium dans notre village avec l’accord de l’Etat malien. Ils nous ont informés que cette exploitation va causer quelques effets avant de nous rassurer que toutes les dispositions seront prises pour faire face à cela ».

Consultation publique avec les communautés de Galamina
Pour remédier au problème d’eau par exemple, Leo-Lithium a promis de doter les populations de ces villages environnants de fontaines dans certains endroits. Mais Famoussadjè Samaké dénonce le non-respect de certaines promesses : “Les terres de culture des paysans qui font partie du périmètre d’exploitation ont été dédommagées en espèces. Les communautés ont adressé d’autres doléances dont l’emploi des jeunes du village comme main-d’œuvre sur les sites, l’aménagement de plaines maraîchères pour les femmes, l’accès à l’eau potable par la réalisation des forages d’eau, la construction d’infrastructures sociales de base (écoles, centres de santé, etc.). Toutefois, aucune de ces doléances n’a été honorée“.
C’est pour toutes ces raisons que le 24 mars 2023, Abdoul Wahab Diakité, Président de la Coalition PCQVP-Mali a, au cours d’une conférence de presse, demandé au gouvernement malien la publication intégrale du contrat de cession de la mine de Galamina et ses annexes, la mise à disposition des conclusions des Études d’impact environnemental et social au profit des communautés impactées des villages de Bougouni et Galamina et de la société civile ainsi que la tenue régulière des séances d’information des populations et de la société civile sur les enjeux futurs de cette exploitation au Mali. Pour lui, les enjeux futurs de l’exploitation de Lithium au Mali sont peu connus par le grand public.
Enquête réalisée par Zéïnabou FOFANA avec l’appui de la Cellule Norbert Zongo pour le journalisme d’investigation en Afrique de l’Ouest (CENOZO).