Trois pays du Sahel sont dans la fournaise climatique. Une infernale vague de chaleur avec des températures souventes fois supérieurs à 45° C s’abat sur le Burkina, le Mali et le Niger depuis la mi-mars 2024. Ce secret de polichinelle fait l’objet d’analyse experte d’une équipe internationale de 19 climatologues de premier plan du groupe World Weather Attribution (Attribution du climat mondial). Le contenu de leur étude établi clairement un lien entre cette « vague de chaleur meurtrière » et le dérèglement climatique causé par l’homme ».
Comme si le sort s’acharnait contre ces trois pays déjà en proie au terrorisme, ils doivent encore souffrir le martyr des affres du dérèglement climatique essentiellement caractérisées par une chaleur extrême. D’aucuns seraient tenté de dire que ces scientifiques ne leur apprennent rien. Chacun au Burkina Faso, au Mali et au Niger ayant pu être témoin de cette cuisante chaleur. Mais cette étude garde toute sa pertinence en raison, entre autres, des explications, des données, des connaissances expertes et les prises de positions savantes. Le titre de l’étude vaut son pesant d’or : « La vague de chaleur meurtrière au Sahel et en Afrique de l’Ouest n’aurait pas été possible sans le changement climatique causé par l’homme ».
Cette étude vient s’ajouter à la montagne de preuves établissant un lien entre les phénomènes climatiques extrêmes (chaleur dangereuse) et le réchauffement causé par les émissions de combustibles fossiles. En effet, il y ressort que le dérèglement climatique, causé par la combustion de combustibles fossiles tels que le pétrole, le charbon et le gaz, ainsi que par d’autres activités humaines, « rend les vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus chaudes dans le monde entier ». Notons que la sphère d’étude des scientifiques a concerné le Sahel et l’Afrique de l’Ouest. Pour évaluer l’effet du réchauffement d’origine humaine sur les températures extrêmes sur ces zones, les climatologues ont analysé les données météorologiques et les modèles climatiques afin de comparer l’évolution de ces types d’événements entre le climat actuel, marqué par un réchauffement global d’environ 1,2 °C, et le climat préindustriel, plus froid, et ce, à l’aide de méthodes validées par des pairs.
une femme en plein désert
L’analyse a porté sur la moyenne sur cinq jours des températures quotidiennes maximales dans deux blocs de zones : l’une comprenant les régions méridionales du Mali et du Burkina Faso, où la chaleur a été la plus extrême, et un bloc plus vaste comprenant les zones du Niger, du Nigeria, du Bénin, du Togo, du Ghana, de la Côte d’Ivoire, de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie, de la Guinée-Bissau et de la Guinée, où les températures ont été largement supérieures à 40°C. Plus loin, pour étudier les températures nocturnes élevées, qui s’avèrent dangereuses lorsque le corps humain ne peut pas se reposer et récupérer, les chercheurs ont également analysé la moyenne des températures minimales sur cinq jours pour les régions du Mali et du Burkina Faso.
Le changement climatique a provoqué cette chaleur meurtrière et le pire est à craindre
Fin mars et début avril, des chaleurs extrêmes ont touché les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, selon l’étude. La température la plus élevée a été enregistrée le 3 avril, avec 48,5°C au Mali. Les scientifiques sont formels sur le constat de ces vagues de chaleur qui va d’ailleurs causer des pertes en vie humaine. Elles « auraient été impossibles, dans les deux régions, si l’homme n’avait pas réchauffé la planète en brûlant des combustibles fossiles comme le pétrole, le charbon et le gaz, et en menant d’autres activités comme la déforestation. Le changement climatique a fait augmenter les températures maximales de 1,5 °C et les températures nocturnes de 2 °C dans la région du Burkina Faso et du Mali, et les températures diurnes sur cinq jours dans l’ensemble de la région de 1,4 °C. ».
Outre, les chercheurs ont fait le constat selon lequel qu’une vague de chaleur comme celle qui s’est produite dans ces zones est « encore relativement rare », même dans le climat actuel avec un réchauffement de 1,2°C. Dans l’ensemble de la région de l’Afrique de l’Ouest, ils préviennent qu’on peut s’attendre à des « températures diurnes aussi élevées environ une fois tous les 30 ans ». Par contre, des températures de jour telles que celles enregistrées « au Mali et au Burkina Faso, où des décès dus à la chaleur ont été signalés, sont attendues environ une fois tous les 200 ans ». Dans la foulée, les climatologues tirent la sonnette d’alarme en prévenant que de tels événements deviendront « beaucoup plus fréquents, et même plus dangereux, à moins que le monde ne se détourne des combustibles fossiles et que les pays ne réduisent rapidement leurs émissions à un niveau net de zéro ». Selon eux, si le réchauffement de la planète atteint 2 °C, ce qui devrait se produire dans « les années 2040 ou 2050 si les émissions ne sont pas rapidement stoppées », des phénomènes climatiques extrêmes et meurtriers se produiront « dix fois plus fréquemment ».
marche de protestation
Des morts enregistrées…
Le qualificatif « meurtrière » accolé à la vague de chaleur est justifié par des données officielles. Le rapport des scientifiques indique qu’ « À Bamako, l’hôpital Gabriel-Touré a annoncé une augmentation de la surmortalité, avec 102 décès au cours des quatre premiers jours d’avril ». Dans cette fournaise climatique, les personnes vulnérables sont les premières victimes : ainsi « près de la moitié d’entre eux étaient âgés de plus de 60 ans et l’hôpital signale que la chaleur a probablement joué un rôle dans un grand nombre de ces décès », révèle l’étude.
Ces données ne sont que la partie visible de l’iceberg. Ces pays n’ont pas produit de données relatives aux conséquences de cette vague de chaleur. « En raison du manque de données dans les pays touchés, il est impossible de savoir combien de personnes ont été tuées, mais il est probable qu’il y ait eu des centaines, voire des milliers d’autres décès liés à la chaleur », souligne l’étude.
Aucun plan d’action contre la chaleur…
Les plans d’action contre la chaleur, qui déterminent des mesures d’urgence à prendre en cas de chaleur extrême, sont de nature à minimiser le nombre de décès liés à la chaleur pendant les vagues de chaleur dangereuse. Les climatologues se désolent de constater que, « ni le Burkina Faso ni le Mali n’ont mis en place de plan d’action contre la chaleur ». Tenant compte du risque croissant de chaleur dangereuse au Sahel et en Afrique de l’Ouest, les chercheurs affirment que « l’élaboration de plans d’action contre la chaleur permettra de sauver des vies et d’alléger le fardeau que représentent les chaleurs extrêmes pour les systèmes de santé ». Enfin, les scientifiques saluent l’attitude de l’hôpital Gabriel-Toure qui dès les premières victimes a signalé l’urgence de la situation. Ce qui pourrait conduire les pouvoirs publics à prendre les mesures idoines. Ainsi, les chercheurs affirment que le « signalement rapide des décès liés à la chaleur par l’hôpital Gabriel-Toure constitue une illustration précieuse des dangers de la chaleur extrême, qui aurait probablement servi d’avertissement efficace pour les habitants de la région ».
Cette étude rappelle avec fracas que l’adaptation aux changements climatiques n’est plus un choix, mais représente une option obligatoire et incontournable pour la recherche d’un développement durable et la restauration d’un climat agréable à tous. En la matière, un processus d’implication inclusive et efficace de tous les acteurs concernés doit être mis en œuvre pour s’attaquer aux causes profondes des changements climatiques dans ces pays sahélien déjà géographiquement défavorisés. Mais pour l’instant, il urge de trouver un plan d’action inclusif pour faire efficacement face à la chaleur extrême dès cette année et pour les années à venir.
Rappelons que l’étude a été menée par une équipe de 19 chercheurs dans le cadre du groupe Attribution du climat mondial. Elle composée des scientifiques d’universités, d’organisations et d’agences météorologiques du Nigeria, du Burkina Faso, de Suisse, de Suède, d’Afrique du Sud, des Pays-Bas, d’Allemagne, du Royaume-Uni et des États-Unis.