Entre avril 2012 et janvier 2013, la ville de Tombouctou, au nord du Mali, a été le théâtre de graves violations des droits humains perpétrées par des groupes djihadistes. Profitant de l’instabilité politique du pays, des factions affiliées à Ansar Dine et à Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) ont imposé une application rigoriste de la charia, entraînant des exactions systématiques contre la population civile.
Dans ce contexte, la police islamique, dirigée en partie par M. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud, a instauré des restrictions drastiques : interdiction de la musique, obligation pour les femmes de porter le voile intégral et application de châtiments corporels pour diverses infractions présumées. Ces pratiques ont conduit à des actes de torture, de mutilation et d’exécutions sommaires. Par ailleurs, des sites culturels emblématiques, tels que des mausolées et des manuscrits anciens, ont été détruits, suscitant une indignation internationale.
Une condamnation définitive
Le 26 juin 2024, la Chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) a reconnu M. Al Hassan coupable de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Parmi les charges retenues figuraient la torture, la persécution, les traitements cruels, les atteintes à la dignité humaine, la mutilation et la prononciation de condamnations sans jugement préalable par un tribunal régulièrement constitué. En revanche, il a été acquitté des accusations de viol, d’esclavage sexuel et d’attaques contre des biens protégés.
Le 20 novembre 2024, la CPI l’a condamné à 10 ans de prison, une peine jugée significative mais critiquée par certains observateurs, estimant qu’elle aurait pu être plus lourde. Le temps passé en détention depuis le 28 mars 2018 a été pris en compte pour le calcul de sa peine.
Le 17 décembre 2024, la défense et le Bureau du Procureur ont tous deux décidé de se désister de leurs appels respectifs concernant le verdict de culpabilité et la peine prononcée. Cette décision a conduit la Chambre d’appel à entériner définitivement la condamnation de M. Al Hassan le 7 mars 2025.
Réactions et perspectives
L’officialisation de cette condamnation a suscité des réactions contrastées. Les associations de victimes ont salué une reconnaissance judiciaire des souffrances endurées par les habitants de Tombouctou sous le régime d’Ansar Dine. Toutefois, plusieurs représentants des victimes ont exprimé leur frustration face à un manque d’implication dans la procédure et au fait que leurs préoccupations n’aient pas été suffisamment prises en compte.
De son côté, le Bureau du Procureur a justifié le désistement de son appel par la nécessité de concentrer les ressources de la Cour sur d’autres affaires en cours. La défense, en revanche, a jugé la peine de 10 ans sévère, arguant du rôle secondaire joué par M. Al Hassan au sein de la hiérarchie d’Ansar Dine.
Avec la confirmation définitive de la condamnation, la procédure entre désormais dans une nouvelle phase : celle des réparations. La Chambre de première instance doit se prononcer sur les mesures à accorder aux victimes, qu’il s’agisse d’indemnisations financières, de soutien psychologique ou de réhabilitation sociale. Le Fonds au profit des victimes de la CPI pourrait être mobilisé, à l’instar des précédents établis dans les affaires Lubanga en République démocratique du Congo et Bemba en Centrafrique.