Un vent de renouveau souffle sur la Banque africaine de Développement (BAD). Le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu, ce jeudi 29 mai à Abidjan, à la tête de cette institution stratégique du continent, à l’issue d’un vote organisé en marge des assemblées annuelles de la Banque. Il succède au Nigérian Akinwumi Adesina, en poste depuis 2015, dont la décennie de présidence a marqué une période de réformes ambitieuses et de visibilité renforcée.
Une nouvelle ère s’ouvre pour la BAD
Économiste de formation, diplômé entre Rabat et Paris, et ancien ministre mauritanien de l’Agriculture, Sidi Ould Tah n’est pas un inconnu des cercles du développement. Jusqu’à récemment, il dirigeait la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), où il a su bâtir une réputation de gestionnaire discret mais efficace.
Son mandat à la BAD, d’une durée de cinq ans renouvelable une fois, s’annonce comme un défi de taille. La Banque est aujourd’hui au carrefour de mutations profondes : urgence climatique, explosion de la dette publique, montée des inégalités sociales, et pressions multiples sur les économies africaines, fragilisées par les crises successives.
Une compétition de haut niveau
Pour ce poste très convoité, Sidi Ould Tah a su tirer son épingle du jeu face à une concurrence relevée. Quatre autres candidats étaient en lice :
- Amadou Hott (Sénégal), ancien ministre de l’Économie ;
- Samuel Munzele Maimbo (Zambie), haut cadre de la Banque mondiale ;
- Mahamat Abbas Tolli (Tchad), gouverneur sortant de la BEAC ;
- Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), vice-présidente actuelle de la BAD.
Ce sont son pragmatisme, sa connaissance fine du terrain africain et sa capacité à fédérer, couplés à une discrétion stratégique, qui ont su convaincre les gouverneurs de la Banque – représentant les 54 pays membres africains et les 27 partenaires non africains.
Relancer la machine panafricaine
Avec ce changement de leadership, une nouvelle dynamique est attendue. La BAD est au cœur de plusieurs dossiers brûlants : financement des infrastructures vertes, soutien à la résilience climatique, promotion de l’intégration régionale, digitalisation inclusive, sans oublier les besoins en financements innovants pour la jeunesse et les femmes, aujourd’hui moteurs clés de la transformation du continent.
La tâche de Sidi Ould Tah ne sera pas aisée. Il devra réconcilier ambitions continentales et contraintes budgétaires, dans un monde où la géopolitique influence de plus en plus les flux financiers.
Vers un nouveau narratif africain ?
L’arrivée de Sidi Ould Tah marque peut-être la fin d’un cycle, celui du panafricanisme des grands discours, au profit d’un leadership plus technique, ancré dans les réalités, mais toujours tourné vers l’unité et la souveraineté économique. Dans un contexte où l’Afrique cherche à redéfinir sa place dans les chaînes de valeur mondiales, à attirer des financements plus justes, et à renforcer son autonomie stratégique, la BAD reste un levier essentiel.
Le compte à rebours est lancé. Et avec lui, les attentes d’un continent en quête de solutions concrètes.