Après le rejet de la demande de la défense visant à faire invalider la procédure dès l’ouverture du procès, les débats sur l’affaire de l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires ont repris hier, mercredi, à la session spéciale des crimes économiques de la Cour d’Appel de Bamako. À la barre, Mme Bouaré Fily a catégoriquement nié les accusations portées contre elle.
Lors de la première journée d’audience, les avocats de la défense avaient plaidé pour l’incompétence de la Cour d’Appel à juger des anciens ministres, affirmant qu’ils devraient être jugés par une juridiction spéciale. Après le rejet de cette demande d’annulation, Mme Bouaré Fily Sissoko, ancienne ministre de l’Économie et des Finances de 2013 à 2014, a ouvert les débats de fond. Elle a fermement démenti les accusations de « détournement, escroquerie, faux et favoritisme », déclarant : « Je rejette formellement les faits dans leur intégralité. » Elle a également refusé de verser une caution de 500 millions de FCFA, justifiant que cela serait interprété comme une admission de culpabilité.
L’ancienne ministre a défendu sa position concernant les accusations de détournement de fonds publics, affirmant qu’elle avait toujours souhaité que la vérité sur l’achat du Boeing présidentiel soit établie. « Je suis ici pour que la vérité éclate. J’ai toujours bien servi mon pays », a-t-elle déclaré, affichant un calme olympien. Elle a rappelé des propos tenus dans une lettre écrite pendant sa détention préventive, expliquant qu’elle avait été confrontée à des faits déjà établis dans le cadre de l’acquisition de l’avion. Elle a révélé que les contrats d’achat lui étaient parvenus signés par le ministre de la Défense, accompagnés d’une lettre d’intention, sans qu’elle n’ait donné son accord préalable.
Mme Fily Sissoko a également mis en cause l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, affirmant qu’il avait plus de contacts avec les ministres impliqués dans l’affaire que elle-même. Elle a mentionné notamment le ministre délégué au budget à l’époque et la présidence de la République.
Concernant le montant de l’achat de l’avion, l’ex-ministre a indiqué qu’il s’élevait à plus de 18 milliards 587 millions de FCFA. Elle a précisé que la location d’un avion pour les déplacements fréquents du président était devenue coûteuse pour le contribuable, s’élevant à 330 millions de FCFA par mois, ce qui avait rendu nécessaire l’acquisition d’un aéronef. « Son achat n’était pas prévu dans le budget, mais le Premier ministre Oumar Tatam Ly m’a demandé de trouver une formule, indiquant qu’il s’agissait d’une décision de principe », a-t-elle ajouté. En détention préventive depuis août 2021, elle a fréquemment cité le nom de l’ancien chef du gouvernement, Oumar Tatam Ly, au cours de sa défense. La défense avait demandé, dès l’ouverture du procès, que ce dernier soit cité à comparaître, ainsi que son successeur Moussa Mara et le ministre délégué au budget à l’époque, mais la Cour a rejeté cette demande.
L’absence de transparence dans les contrats d’achat de l’aéronef présidentiel et des équipements militaires, réalisés sans appel d’offres, a soulevé des soupçons de détournements et de favoritisme. Des enquêtes menées par le Fonds Monétaire International ont révélé des irrégularités, entraînant une suspension temporaire des décaissements au Mali. Cette affaire, classée sans suite sous le règne de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, a été rouverte par la Cour Suprême en 2021, qui a déclaré sa compétence pour juger les principaux accusés.